Centre ville avec de grands buildings oppressant sans environnement naturel

Qu’est Ce Que Babylone Pour Les Rastas ?

Qu’est Ce Que Babylone Pour Les Rastas ?

T’en entends parler dans la plupart des chansons de Reggae mais tu ne sais pas pourquoi ? Tu voudrais comprendre ce qui s’est passé pour que cette cité légendaire devienne tant controversée ? Tu penses avoir besoin d’un plongeon dans l’histoire de l’humanité afin de toi aussi être en mesure de prendre position ? Tu veux savoir ce que représente Babylone pour les rastas ?

Je m’appelle Tom, nourrit au Reggae Roots par intraveineuse depuis ma tendre enfance, je suis également un véritable passionné d’Histoire, plus particulièrement celle de l’Afrique et du Moyen-Orient. Inévitablement, j’ai été amené à faire de mes principales passions mon métier tout en parcourant le monde à la rencontre de nombreux partisans du mouvement rastafari pour partager avec eux leurs cultures ainsi que leur savoir. Sois rassuré, je sais exactement comment répondre à toutes tes questions !

Babylone, pour les rastas, symbolise un système oppressif et corrupteur, contrairement à Sion, havre de spiritualité. Cette notion évoque une consommation excessive, la censure spirituelle et l’oppression sociale, antithèses des valeurs rastafaris de liberté, harmonie et spiritualité.

En parcourant cette article, tu comprendras notamment :

  • L’histoire mouvementée de cette ville de Mésopotamie
  • La civilisation babylonienne dans les différentes religions
  • Sa symbolique pour les rastas

Prépare-toi, il est maintenant temps de commencer :

premiers textes rastas, rédigés par Leonard Percival Howell

I. Babylone, plus vieille ville du monde

Avant de devenir une cité symbole pour les rastas du monde entier, Babylone était une ville de Mésopotamie – territoire correspondant aujourd’hui à l’Irak. Elle a connu ses heures de gloire pendant l’Antiquité et même s’il n’en reste que quelques ruines à ce jour, elle a eu une importance majeure dans l’histoire et les textes bibliques.

a) Premières traces de Babylone

On en trouve des mentions dans la Genèse mais aussi dans l’Apocalypse. Elle y est alors décrite comme une cité qui veut s’imposer sur les autres, terriblement orgueilleuse et autoritaire. La tradition chrétienne mettra en relation le roi babylonien qui connut la chute – Livre d’Isaïe – avec Lucifer, ange déchu et tombé du ciel.

roi babylonien qui connut la chute – Livre d’Isaïe

Mais la cité antique n’est pas que le symbole de l’orgueil humain ! Loin de là. On peut dire qu’elle réunit à elle seule de très nombreux défauts. Dans l’Apocalypse, elle est mise en relation avec la Grande Prostituée, la mère de toutes les « abominations de la Terre ».

La « Grande Ville » présente donc une notion très négative dans les traditions juives et chrétiennes. Mais cela ne concerne pas uniquement ces deux religions comme on peut le constater en étudiant le mouvement rastafari.

b) Babylone et les rastas

Comme on peut le constater, Babylone est devenue l’image même de la dépravation des hommes. Cette notion se trouve dès les premiers textes rastas, rédigés par Leonard Percival Howell. Il est l’un des premiers à avoir assimilé la cité antique au capitalisme sauvage. Il veut lutter contre l’importance financière, la dépravation, la décadence humaine. En cela, il va s’opposer à l’autre grande figure du mouvement rasta : Marcus Garvey. L’un veut que les Noirs puissent aussi utiliser les rouages économiques alors qu’Howell va remettre en cause le système économique qu’il juge responsable de l’injustice subie par les travailleurs.

Parallèlement, Howell prédit l’arrivée au pouvoir d’un empereur noir, fait qui s’avérera juste avec l’accession au trône d’Éthiopie d’Hailé Sélassié en 1930. Ses prêches connaissent alors de plus en plus de succès. Il fonde une communauté rasta à Pinnacle en 1940. Celle-ci veut que ses membres s’éloignent de l’idée capitaliste représentée par Babylone. Mais il connaît des soucis avec le pouvoir en place, les gros propriétaires locaux et la Grande-Bretagne qui le considère comme un acteur majeur de la sédition.

Au début des années 50, le groupe fondé par Howell est dissout et les participants vont alors disséminer les idées rastas à travers le monde. La Babylone pervertie, symbole du système répressif, initié par Howell reste encore à ce jour une des notions majeures dans le rastafarisme.

Au même titre que d’autres symboles, Babylone a une place majeure dans la religion rasta. Mais celle-ci revêt le côté négatif de la société, à éviter à tout prix. Être rasta est encore aujourd’hui un principe qui veut mettre l’égalité des hommes et le respect de la terre au cœur de ses croyances. On veut éliminer la domination d’un peuple sur un autre. Le rasta veut aussi mettre en avant le retour aux origines africaines.

égalité des hommes et le respect de la terre au cœur de ses croyances.

c) Implication sociale de Babylone

L’oppression sociale qu’incarne Babylone dans la philosophie rasta trouve des échos dans de nombreux aspects de la société contemporaine. Par exemple, les disparités économiques croissantes et l’injustice sociale sont souvent perçues comme des manifestations de Babylone dans le monde moderne. Le mouvement rasta encourage l’équité, la justice et l’harmonie sociale comme antithèse à l’esprit oppressif de Babylone.

d) La cité babylonienne devenue un puissant symbole rasta

Babylone n’est pas qu’une image de la dépravation humaine. Elle est aussi le symbole de la déportation des Judéens vers la ville instaurée par le roi Nabuchodonosor. Cette histoire prend un sens important dès les années 1930 pour les adeptes du mouvement rastafari.

Le gouvernement jamaïcain veut réduire au silence ceux qu’elle considère comme contestataires. Il emprisonne un grand nombre de personnes et va redéfinir les règles de l’île. Les rastas considèrent alors que leur terre devient un « enfer terrestre », une terre de captivité et d’esclavage. L’île devient alors la Babylone des Caraïbes, le symbole de leur emprisonnement.

Le mouvement vise alors l’exil vers les terres d’Afrique, assimilés à Zion. Les rastas attendent l’exode, tout comme les Judéens dominés par Pharaon. La cité mésopotamienne revêt de nouveau dans l’imaginaire rasta une valeur particulièrement négative, un lieu où la liberté de penser, d’agir et tout simplement de vivre est réduit à son plus simple niveau.

rastas attendent l’exode, tout comme les Judéens dominés par Pharaon.

La ville est la représentation de tout ce qui considéré comme une ignominie. Toutefois, on peut noter que dans cette notion, il n’y a aucun concept racial. L’homme, d’où qu’il soit, subit les mêmes répressions et doit chercher à s’en libérer.

II. Que représente Babylone pour les rastas ?

Symbole de la corruption et de l’orgueil humain dans la Bible, la cité est aussi l’image d’un territoire riche où l’or abonde. Le texte sacré même s’il dénigre la ville en fait en même temps son apologie puisqu’il affiche son prestige et sa domination sur les autres empires. C’est l’image même de la puissance de l’homme sur la nature et sur les autres hommes. Dans le Livre de Daniel, on peut ainsi voir ces différents empires qui successivement ont dominé Israël.

Les rastas voient en cela une continuation de la domination du monde occidental sur l’Afrique. Il impose ses valeurs et son système au monde en général.

un groupe d'amis rasta jouent de la guitare au bord d'une rivière

Babylone a aussi une grande importance dans le domaine de la croyance. On peut ainsi y relier le mysticisme, la croyance en de faux dieux – les rois – en une ville puissante qui cache ses défauts sous des apparences de luxe. Le peuple est trompé. La cité est à l’origine des mythes qui ont dupé les hommes.

En cela, elle va s’opposer à Sion – ou Zion -, la Jérusalem céleste que les rastas identifient à l’Éthiopie. C’est ici que Caïn s’est installé après l’acte fatal qui coûta à la vie à son frère. Il y a construit une habitation simple en rapport avec la nature mais aussi pour se protéger de celle-ci. Aucun luxe, juste ce qu’il faut pour vivre. Babylone est mauvaise, Zion est bonne. Cette dualité se retrouve dans la culture rasta en général.

a) L'Écho de Babylone dans la Culture Populaire

La notion de Babylone a traversé le temps, s’insinuant dans la culture populaire à travers la musique, le cinéma et la littérature. De nombreux artistes, en particulier dans la communauté reggae, ont repris le thème de Babylone pour critiquer les systèmes oppressifs et encourager une prise de conscience sociale. Leur art sert de canal pour exprimer le désir de liberté et de justice, et inspire la résistance contre les forces oppressives incarnées par Babylone.

b) Babylone et le reggae

Les rastas ont stigmatisé la cité et en ont fait l’ennemi majeur du mouvement et des hommes. La ville représente à leurs yeux le symbole de la vanité humaine qui construit non plus pour uniquement se protéger de l’extérieur mais pour mettre en avant ses richesses, son despotisme. Elle représente ce qu’il y a de pire en l’homme, sa volonté de dominer les plus faibles, sa volonté d’être supérieur.

Dans la culture rasta, on peut noter de nombreuses références à la cité perdue. Ainsi plusieurs chansons mentionnent la Grande Dépravée. On peut ainsi trouver dans le titre de Krys & Blacko « Être un homme » :

“Babylone nous fait oublier lentement que nous sommes tous fils d’Afrika“

Plusieurs titres du célèbre Bob Marley ont aussi dénoncé la puissance de la cité dont le très connu « Babylon System ».

“Babylon system is the vampire, yea! (vampire)

Suckin’ the children day by day, yeah!

Me say de Babylon system is the vampire, falling empire,

Suckin’ the blood of the sufferers, yeah!”

Gregory Isaacs a aussi composé un hymne à la décadente cité avec « Babylon too rough ». Enfin, impossible de parler de Babylone sans penser à la célèbre chanson « River of Babylone » des Melodians, un groupe de reggae populaire dans les années 70. Devenu un véritable hymne rasta, le texte est un résumé des valeurs rattachées à la Grande Prostituée :

“Près des fleuves de Babylone,

Nous nous sommes assis

Et nous avons pleuré,

Quand nous nous sommes souvenus de Sion

Car les méchants qui nous ont emportés en captivité

Nous ont demandé une chanson

Mais comment pouvons-nous chanter

Une chanson rastafari dans un pays étranger ?”

La musique, et en particulier le reggae, est un puissant outil de résistance contre Babylone. Elle offre une plateforme pour exprimer le mécontentement, éduquer les masses et promouvoir l’idée d’un monde plus juste et harmonieux. Les messages véhiculés à travers les paroles encouragent souvent à remettre en question l’ordre établi et à chercher l’émancipation des chaines de Babylone.

c) Babylone et la politique

Nous avons pu noter que la cité antique présente différents aspects particulièrement négatifs aux yeux des rastas. Elle est aussi une partie intégrante de la conception de la politique. Pour réduire Babylone à néant, il est important de ne pas suivre l’establishment quelle représente, qu’il s’agisse de la police, de la religion officielle ou de la classe politique.

Le rasta refuse tous les modèles traditionnels des systèmes, du libéralisme à la démocratie. Accorder sa voix à ces mouvements, c’est donner à la Babylone répressive les armes pour agir. Cette culture antipolitique refuse le modèle policé de la ville bien dirigée qui réduit les libertés à la simple obéissance et aux manipulations. Les rastas refusent les modèles issus selon eux de la civilisation babylonienne et les politiciens qui veulent prendre la place de Dieu. Ils œuvrent pour détruire la cité maudite avec comme slogan :

« Babylone va brûler ! »

d) Babylone et l'Environnement

La philosophie rasta prône un retour à la nature et une vie en harmonie avec l’environnement. Dans cette optique, la destruction environnementale causée par l’industrialisation et la consommation excessive est souvent vue comme une extension de Babylone. Les Rastafari encouragent la préservation de la nature et la pratique de modes de vie durables comme moyen de résister à l’emprise de Babylone et de promouvoir une existence plus authentique et équilibrée.

rastas voient la domination du monde occidental sur l’Afrique.

L’engagement communautaire est un aspect central de la résistance rasta contre Babylone. En créant des espaces solidaires et en soutenant des initiatives locales, les Rastafari cherchent à construire des alternatives concrètes aux systèmes oppressifs de Babylone. L’accent est mis sur la construction d’une communauté forte et unie, capable de résister aux influences négatives et de promouvoir un changement positif dans la société.

IV. Au-delà de Babylone: L'éveil Rasta

À travers ce voyage entre les lignes, tu as découvert l’essence du symbole de Babylone pour les Rastas. Ce n’est pas seulement une cité antique, mais une représentation des maux modernes, des corruptions humaines, et des systèmes oppressifs que les Rastas rejettent vigoureusement.

Maintenant, tu es armé d’une compréhension plus nuancée de ce que Babylone signifie dans le contexte Rasta. Chaque section de cet article a élargi ton horizon, te donnant les clés pour décoder les références culturelles et spirituelles liées à Babylone. Ta capacité à discuter des idéaux Rastafari avec assurance s’est élargie, te rendant plus averti des valeurs fondamentales qui guident le mouvement Rasta. Tu as également appris comment cette conscience peut nourrir une résistance spirituelle contre l’oppression symbolisée par Babylone.

La discussion sur Babylone t’a emmené sur les rivages de la prise de conscience spirituelle. Cela soulève la question : comment les enseignements Rastafari peuvent-ils être appliqués pour naviguer dans les systèmes oppressifs modernes ? La résonance de Babylone avec le monde d’aujourd’hui ouvre un champ de discussion fertile pour les futures explorations.

Ta quête de compréhension ne doit pas s’arrêter ici. Continues d’explorer les trésors de savoir présents sur Rasta Colibri, dévoilant davantage les facettes du mouvement Rasta et son message d’émancipation. Chaque article t’invite à plonger plus profondément dans cette culture riche et à rejoindre la lutte spirituelle contre les Babylones modernes.